Texte

Texte de Christiane

Lu à la présentation de Marguerite Tellier

au Gala de l’Ordre du Bleuet, le 11 juin 2016



Quiconque piste la vie de Marguerite Tellier trouve ses traces en tous les lieux qu’elle a habités. Elle est de la race des pionnières qui ouvre la voie d’un avenir dont nous sommes les héritiers. Cette grande dame a su insuffler autour d’elle l’amour des livres, la curiosité de nos origines et le courage d’agir. À Boucherville où sa vie a pris fin en 1963, un parc commémore sa mémoire. À Chicoutimi, il existe la rue Marguerite-Tellier. À la Bibliothèque municipale de Chicoutimi, une salle a été nommée du nom de la principale instigatrice de cet héritage.


Née à Saint-Ours le 16 février 1895, fille du notaire Joseph Lambert Aubin et de Léonie Provost, Marguerite n’a que 7 ans au décès de sa mère. Après l’école primaire auprès des sœurs de la Providence de Saint-Ours, elle aborde sa véritable vie d’étudiante au pensionnat des Ursulines de Stanstead. Une période qu’elle évoquera souvent avec nostalgie. Car elle considérait y avoir bénéficié d’une formation de qualité auprès d’enseignantes avant-gardistes, nous confie sa fille Madeleine. Aimant l’opéra et plus encore les Lettres, Marguerite Aubin parfait sa formation en littérature française en suivant des cours par correspondance avec une école de Paris de 1933 à 1937.


Elle a quitté la rivière Richelieu en épousant Pierre-Paul Tellier natif de Saint-Hyacinthe à l’âge de 25 ans. Elle retrouve d’autres rives en suivant son conjoint, lorsqu’il est nommé directeur de la toute nouvelle compagnie électrique du Saguenay. Après Arvida, le couple s’installe à Chicoutimi en 1932. Mère de quatre enfants, Madame Tellier tient maison, organise volontiers des réceptions et fait sa part de layettes pour l’Assistance maternelle dans la région. Membre de la ligue catholique féminine et de la Société historique du Saguenay fondée par Mgr Victor Tremblay, elle implante un satellite de la Société de généalogie canadienne-française à Chicoutimi vers 1948, précurseur de la Société de généalogie du Saguenay que fondera Leonidas Bélanger en 1979. Cofondatrice de la Société d’Étude et de Conférences au Saguenay–Lac-Saint-Jean elle devient la première présidente de la section saguenéenne en 1940.


Tout en préparant ses enfants à leur vie future, Louise la musicienne, Madeleine l’artiste en arts visuels, Paul le pharmacien et Lambert le médecin, Marguerite prête sa plume aux journaux locaux, le Progrès du Saguenay et La Sentinelle, publiant des contes, des nouvelles ainsi que des portraits écrits la nuit dans ses rares moments de grand silence. Par deux fois, ses publications gagneront le prix littéraire Odette-Lebrun. Collaboratrice de la revue française Chemin nouveau, son nom circule au Québec, au Canada, en Europe et aux États-Unis. Ses mots ne traversent pas que l’océan, mais aussi les ondes radiophoniques où elle anime Ça et là, Ce que racontent les merles, ainsi qu’une émission à Radio-Canada sur la généalogie qui la passionne, dont le titre est Votre nom monsieur.


Tout ce temps, elle s’investit dans sa société d’études et de conférences, montant une collection de livres pour ses membres, prémices à un projet plus important. Elle réussit à rassembler plus de 2000 livres logés dans un immeuble du Dr William Tremblay. Avec la Société d’Études et de Conférences, elle entreprend de convaincre quelques élus du bien-fondé d’une bibliothèque accessible au public. En 1950, munie de lettres patentes, naît une première bibliothèque publique, inaugurée le 28 octobre et dotée d’une subvention de 100 $. Un an plus tard, la bibliothèque compte plus de 100 abonnés qui se partagent les 6000 volumes. En 1953, ce temple du livre trouve asile à l’Hôtel de Ville de Chicoutimi. Un octroi de 1000 $ contribue à son installation et à l’ajout d’une cinémathèque de 150 documentaires de l’Office national du film. En 1969, la Société d’étude cède à la Ville cette bibliothèque pour la somme symbolique de 1 $. À partir de 1965, Odette Madore assume la direction de la bibliothèque et ce jusqu’en 2000, soit quatre ans après sa relocalisation dans le nouvel édifice du Centre de la culture et des arts de la rue Racine à Chicoutimi.


Historienne, philanthrope, femme de lettres très active, Marguerite Tellier imprègne si fortement le Saguenay de sa présence que le milieu culturel oublie qu’elle a quitté Chicoutimi en 1958 pour vivre à Montréal avant de s’installer à Boucherville en 1963. Fidèle à elle-même, elle est membre de la société de généalogie canadienne-française et de la Société historique de Montréal qui la nomme membre d’honneur pour sa contribution à la recherche et au rayonnement de l’Histoire. À Boucherville elle est présidente du Comité de Toponymie, fondatrice de la Société des Îles percées, instigatrice de la brochure Lustucru, présidente du comité de publication, réalisatrice de la monographie de l’église Sainte-Famille, responsable des fêtes du tricentenaire de Boucherville. Imaginons tout ce qu’on lui devrait, si elle n’avait pas dû quitter notre région, alors que nous avons déjà tant reçu d’elle.


Marguerite Tellier, née Aubin, est décédé le 1er juillet 1977 à Boucherville. Elle avait 82 ans. Pourtant elle demeure bien présente à notre mémoire et, ce soir, par cet hommage, nous tenons à dire à sa famille et aux nôtres que nous ne l’oublions pas.


Le 11 juin 2016

MARGUERITE TELLIER


Historienne, femme de Lettres

Fondatrice de la bibliothèque de Chicoutimi


fut reçue membre de l’Ordre du Bleuet

À titre posthume


        

POURQUOI L'ORDRE DU BLEUET

L'intensité et la qualité de la vie culturelle et artistique au Saguenay-Lac-Saint-Jean est reconnue bien au-delà de nos frontières. Nos artistes, par leur talent, sont devenus les ambassadeurs d'une terre féconde où cohabitent avec succès toutes les disciplines artistiques. Cet extraordinaire héritage nous le devons à de nombreuses personnes qui ont contribué à l'éclosion, à la formation et au rayonnement de nos artistes et créateurs. La Société de l'Ordre du Bleuet a été fondée pour leurs rendre hommage.La grandeur d'une société se mesure par la diversité et la qualité de ses institutions culturelles. Mais et surtout par sa volonté à reconnaître l'excellence du parcours de ceux et celles qui en sont issus.